24 novembre 2015

Un hommage émouvant qui dénonce la lecture khomeyniste de l'islam

Par :Simin Nouri
Architecte franco-iranienne, présidente de l'Association des Femmes Iraniennes en France


LE HUFFINGTON POST - Paris, boulevard Voltaire, face au Bataclan, une foule silencieuse. Il y a beaucoup de va et vient. Les têtes tournées vers les tas de fleurs, de bougies et de feuilles remplies de messages et graphiques, déposés par des anonymes tout au long des trottoirs. Les visages fermés, tristes, hébétés, en colère.


Il est question que l'auteure -chanteuse franco-marocaine Sapho chante la Marseillaise et Imagine de John Lennon devant cette salle mythique où elle s'est produit en 1986 et 1991 et où a chanté la grande diva égyptienne Omme Kolsoum.


Dans une intervention pleine d'émotion et de rage, l'écrivain Olivier Steiner s'est surtout référé au grand poète mystique persan du XIIIe siècle, Jalal-edine Roumi, en récitant un extrait de son poème sur le plaisir à fréquenter les juifs, les chrétiens, les zoroastriens et les musulmans.
Quelques beaux morceaux de musique persane ont été ensuite joués par le musicien iranien Hamid-Reza Taherzadeh.


Des exilés iraniens dont certains portent toujours les blessures de trois décennies de répression féroce dans leurs pays au nom de la religion, ont tenu à exprimer leur peine et leur solidarité avec les victimes de cette barbarie indicible ainsi qu'avec leurs proches et le peuple français tout entier en ces moments d'effroi et de douleur.

Parmi cette foule, de nombreux membres et sympathisants de la Résistance iranienne avec chacun et chacune une rose blanche parée d'un nœud de ruban noir à sa tige à la main. Profondément affectés par la douleur des français, ils sont là aussi par le deuil qu'ils portent, eux aussi, depuis plus de trois décennies.

Les badauds s'étonnent du nombre élevé des femmes ici présentes malgré le climat de la peur et de l'angoisse, naturel dans des circonstances pareils, la plupart vêtues du noir portant un voile bleu; la belle rose blanche est mise encore plus en valeur.


Ces musulmans iraniens ont été les premiers depuis longtemps à s'alarmer de la lecture khomeiniste de l'islam, et du danger que celle-ci allait courir à l'Iran, à la région et au monde. Cette lecture venait du pays le plus grand, le plus ancien et le plus riche du Moyen-Orient. Restée sans une réponse ferme du monde civilisé, elle a réveillé les foyers dormants des extrémistes de tout bord dans le monde et engendré l'extrémisme islamiste ou l'islamisme radical dont le dernier né, le monstre Daech, vient de frapper si cruellement, si sauvagement notre belle ville, et surtout sa jeunesse pleine de vie et d'espoir.

Premières victimes de l'islamisme à l'iranienne, ces hommes, ces femmes, leurs familles et leurs proches ont été emprisonnés, torturés ou exécutés par Khomeini et continuent à l'être par Ali Khamenei, le calife de Téhéran depuis 25 ans. Ils sont chassés d'Iran, le beau pays qu'ils chérissent tant.

Ayant vécu l'idéologie inhumaine et profondément misogyne du khomeynisme au nom de l'islam, la présence, la mobilisation et la détermination de ces femmes après tant d'années d'exil involontaire, étonne, capte toutes les attentions et force le respect.

Elles prenaient paroles devant les lieux de la tuerie de masse la plus horrible qu'ait connu la France depuis la deuxième guerre mondiale en s'adressant aux passants et à la foule: "Nous sommes ici pour dire que ces terroristes ont commis un crime contre l'humanité. Nous sommes ici pour partager la douleur du peuple français, parce que nous sommes, nous aussi, atteints dans notre cœur et notre chair par ce crime immonde, ayant été nous-mêmes victimes du fondamentalisme religieux."

Suivi d'un message du courage et d'espoir: "Cela ne passera pas; nous vaincrons les tueurs, leurs commanditaires et leurs maîtres qu'ils soient à Téhéran, en Irak, en Syrie, au Liban ou au Yémen, avec notre détermination, avec notre volonté inébranlable de s'unir dans ce combat, aussi longtemps qu'il pourra durer, car l'amour, le courage et la vie ont toujours fini par vaincre la haine, la lâcheté et la mort"