30 décembre 2015

"En quête de liberté, du berceau au tombeau"

Par :Simin Nouri
Architecte franco-iranienne, présidente de l'Association des Femmes Iraniennes en France

INTERNATIONAL - Un proverbe iranien, très utilisé par les parents pour encourager leurs enfants à faire des études, invite à être en quête constante de connaissance tout au long de la vie: "En quête du savoir, du berceau au tombeau".

Devant la funeste prison d'Evine à Téhéran, les familles de prisonniers politiques se rassemblent régulièrement pour réclamer la libération de leurs proches. Certains ont même osé scander, avant d'être attaqués, dispersés ou arrêtés par les forces de sécurité ces dernières semaines, ce proverbe populaire en remplaçant le Savoir par la Liberté: "En quête de liberté, du berceau au tombeau".

Pour ceux qui suivent de près les actualités en Iran, pas un jour ne se passe sans l'horrible nouvelle d'une exécution: une pendaison toute les huit heures, un record mondial! Il n'y a pas non plus de famille iranienne qui ne soit touchée, de près ou de loin, par la répression devenue monnaie courante dans ce pays.

Les violations systématiques et brutales des droits humains par les autorités iraniennes ont une fois de plus été condamnées par l'Assemblée générale des Nations Unies dans une résolution adoptée le 17 décembre 2015.

Il s'agit d'une première condamnation après l'accord nucléaire en juillet dernier, mais de la 62ème fois que la théocratie iranienne est condamnée pour "les exécutions massives et arbitraires, la montée des violences et des discriminations contre les femmes et contre les minorités ethniques et religieuses, les restrictions graves et généralisées du droit à la liberté d'expression, d'opinion, d'association et de réunion pacifique..."

La résolution se déclare sérieusement préoccupée "de la hausse alarmante du nombre d'exécutions, au mépris des garanties internationalement reconnues, et de la poursuite d'application de la peine de mort contre les mineurs de moins de 18 ans au moment de la commission des faits qui leur sont reprochés".

L'ONU exhorte le régime iranien à "abolir, dans les textes de lois et dans la pratique, les exécutions publiques et les exécutions effectuées en violation de ses obligations internationales" et "à assurer, dans les textes de lois et dans la pratique, que nul ne sera soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants."

Après 62 condamnations par la plus haute instance internationale en près de quatre décennies, il est temps que la communauté internationale reconnaisse l'incapacité absolue de ce régime à opérer le moindre changement ou réforme que ce soit. Il est temps de demander des comptes à ses dirigeants.

A la présidence depuis deux ans et demi, Hassan Rohani, qualifié par l'Occident de "modéré", non seulement n'a pas empêché la pendaison de 2000 Iraniens dont 60 femmes et des dizaines d'adolescents -exécutés à leur majorité- mais continue à défendre ce châtiment comme une "application des lois divines".

Les récentes visites de personnalités européennes en Iran et dernièrement celle du président du sénat français, Gérard Larcher, ont à chaque fois donné l'espoir au peuple iranien et à ses exilés que la situation des droits humains et le respect des libertés démocratiques en Iran occuperaient la place première à la table des négociations, comme l'a exigé par ailleurs le Parlement Européen dans plusieurs résolutions.

Hélas, les pendaisons continuent d'occuper le terrain avant, pendant et après les visites.

Les Iraniens, victimes de ces exactions, veulent croire encore en un soutien moral et concret des démocraties occidentales, notamment en entendant les personnalités françaises de premier plan dire aux dirigeants de Téhéran qu'il est temps d'établir un moratoire sur les exécutions, de libérer les détenus politiques et les prisonniers d'opinion et d'abolir les lois misogynes et liberticides.

En pleine guerre contre l'extrémisme islamiste avec la France en première ligne, la visite d'Hassan Rohani à Paris fin janvier 2016 offre l'occasion aux autorités françaises de ne pas se limiter aux échanges commerciaux mais de rappeler avec fermeté l'attachement de la France aux valeurs de la démocratie et des droits humains partout dans le monde et surtout en Iran, ce grand pays millénaire.

Les conditions d'une telle fermeté sont d'autant plus réunies que la dictature islamiste de Téhéran se trouve au plus faible de son histoire face au mécontentement grandissant de la société iranienne qui plus que jamais est "en quête de liberté du berceau au tombeau".