29 juillet 2016

Des milliers de pendaisons en Iran "pour guérir l'Europe de ses drogués"!

Par : Simin Nouri
Architecte franco-iranienne, présidente de l'Association des Femmes Iraniennes en France
LE HUFFINGTON POST, 5 juillet 2016 : En visite officielle d'un jour et demi en France, le ministre iranien des affaires étrangères, Javad Zarif, a été auditionné le 22 juin 2016, au Sénat à Paris.
Alain Néri, le sénateur du Puy-de-Dôme (Auvergne-Rhône-Alpes), rappelant "l'attachement de la France à la défense et à la promotion des droits de l'Homme", a questionné Zarif sur le nombre croissant des exécutions en Iran et la récente "flagellation outrageuse" d'une trentaine de jeunes dans ce pays. Le sénateur Néri a fait également part des inquiétudes de la communauté internationale et notamment l'ONU, le Parlement européen et Amnesty International sur la situation aggravante des droits des Iraniens.

En guise de réponse, le MAE du régime de Téhéran a dit préférer ne pas parler de l'ONU car selon lui, "la dernière résolution votée contre l'Iran, dans le domaine des droits de l'Homme, l'a été par des pays qui n'ont jamais organisé une élection, est-ce un motif de fierté?".

En effet, le régime iranien fut condamné pour la 62ème fois par l'Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 2015. Il faut préciser que cette résolution a été votée particulièrement par de nombreux pays démocratiques occidentaux qui organisent tous des élections.

Faute d'argument valable face aux critiques des instances internationales, et comme c'est devenu une habitude et une tactique connue chez les autorités de Téhéran depuis plus de trois décennies, Javad Zarif a esquivé une réponse claire en tentant de discréditer les dites instances. Lorsqu'en 2014, le Parlement européen dénonce le non-respect des normes démocratiques lors de l'élection présidentielle de juin 2013 et la violation systématique des droits fondamentaux en Iran, ce même Zarif avait riposté en déclarant qu'il "n'autorisera aucune délégation parlementaire européenne à rencontrer des membres de l'opposition politique et des membres de la société civile ni des prisonniers politiques en Iran". Il avait auparavant déclaré que "Le Parlement européen n'a pas la légitimité nécessaire pour prêcher la défense des droits de l'Homme".

Quant à la question du nombre record des peines de mort prononcées et exécutées en Iran, Javad Zarif en bon et loyal représentant de la dictature théocratique des mollahs, retourne la question du sénateur français sur le flux du trafic de stupéfiants qui passe par l'Iran et justifie ainsi, la mise à mort des milliers de citoyens, des opposants au régime compris, accusé de la détention ou du trafic de drogues.

Il est étonnant que dans l'Etat ultra policier des mollahs, qui n'hésite pas à tracer et incarcérer massivement ses opposants même sur les réseaux sociaux, les gros trafiquants continuent tranquillement leur commerce de la mort et on peut se procurer toute sorte de drogue aussi facilement que des bonbons. Pendant ce temps le pays est touché par une pénurie de médicaments, de l'aveu même des autorités. Le bruit court en Iran qu'alors que les victimes sont les drogués et les petits trafiquants, les gros trafiquants qui ne sont autres que les Gardiens de la révolution sont épargnés. Les mêmes qui ont longtemps créé une pénurie artificielle des médicaments en Iran en stockant les produits les plus rares afin de les vendre plus cher.

Rappelons que depuis de nombreuses années, l'Etat iranien reçoit et continue à recevoir d'importantes sommes d'aides internationales aussi bien financières que techniques pour combattre et faire barrage au flux de drogues en provenance de ses frontières avec l'Afghanistan. L'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), l'Union européenne, la Belgique, la France, l'Ireland, le Japon, la Norvège, le Danemark et l'Allemagne, entre autres, versent des millions d'euros au régime iranien pour lutter contre la drogue.

Malgré ces aides colossales, Javad Zarif n'a pas hésité à réclamer devant les sénateurs au Palais de Luxembourg, "plus de coopération afin de trouver une solution pour mettre fin au trafic de stupéfiants [en Europe, entre autres]"!

L'Organisation d'Amnesty International avait déjà déclaré en 2011 que "L'aide internationale contre le trafic de drogue ne doit pas être utilisée pour justifier ou faciliter le recours à la peine de mort". La Coalition mondiale contre la peine de mort, va même plus loin et "appelle les bailleurs de fonds internationaux à ne plus assister l'Iran en raison du recours excessif à la peine de mort contre le trafic de stupéfiants".

Tous les organismes concernés sont d'avis qu'aucune preuve n'existe sur l'effet dissuasif des exécutions de trafiquants de drogue, comme maintiennent et prétendent les autorités iraniennes. L'augmentation constante du nombre des sentences de mort prononcées dans ce cadre et qui, dans le cas d'un régime répressif comme celui de l'Iran, peut inclure des opposants politiques, montre au moins l'inefficacité de cette barbarie à grande échelle.

Il n'est pas inutile non plus de rappeler que des notions comme le traitement social du problème de la drogue ou des initiatives d'ordre policier dont l'efficacité ait été testée dans la pratique ailleurs, n'existe guère ni dans la législation, ni dans l'esprit des mollahs intégristes qui gouvernent le pays. Car dans l'idéologie de cette dictature théocratique, de nombreux "crimes et délits" tombent souvent dans la catégorie de "péchés religieux" ou des notions comme "corruption sur Terre" qui doivent être punis par des châtiments corporels allant de la flagellation à la pendaison. Selon cette vision, la vie humaine et son respect n'ont pas de place en soi, le monde étant divisé entre les pêcheurs et les croyants.

A la tête de la diplomatie du régime iranien depuis l'arrivée d'Hassan Rohani à la présidence en août 2013, le ministre des affaires étrangères est l'un des responsables importants de l'exécutif. Ses interlocuteurs dans les pays démocratiques doivent savoir résister à son évocation maintes fois répétées "l'indépendance du pouvoir judicaire", une autre excuse avancée par les représentants du régime pour justifier ces atrocités. L'idéologie dominante dans la dictature théocratique au pouvoir en Iran, ne permet pas une séparation des pouvoirs comme, même de façade, car tous les pouvoirs, qu'ils soient législatifs, exécutifs et surtout judiciaires sont directement contrôlés par le "guide suprême". Toutefois, il est impensable que le président du régime (Rohani) ou ses ministres importants (comme Zarif) ne puissent, ne serait-ce que pour des considérations provisoires tactiques, intervenir sur le sujet du nombre excessif des exécutions.

Au contraire, face à la question de la violation aggravée des droits de humains dans leur pays et leurs condamnations successives, depuis 35 ans, par les instances concernées dans le monde, Rohani, Zarif et les autres ne font que justifier ces crimes, comme la pendaison de près de 2500 personnes, femmes et jeunes compris, en Iran depuis leur arrivée aux affaires à Téhéran. La raison en est simple: l'objectif du régime étant sa propre survie, ces pendaisons n'ont absolument rien avec la lutte contre les trafiquants de stupéfiants, mais servent à maintenir un climat de terreur dans une population extrêmement mécontente. Sinon, comment peut-on justifier des pendaisons publiques devant les foules dont les enfants ou la pendaison des femmes et des mineurs?

Bien que dans son rôle d'ambassadeur de "l'ouverture", Javad Zarif ne peut pas être inconscient de cette réalité, il a entamé sa tournée européenne effectivement dans le but d'attirer des investisseurs occidentaux, mais a visiblement du mal à convaincre les Occidentaux avertis comme les Iraniens eux-mêmes sur la stabilité politique du régime qu'il représente.