12 novembre 2015

Une première ambassadrice du régime iranien, un non-événement


 
LE HUFFINGTON POST - La nouvelle est tombée il y a deux jours presque une semaine avant la venue en France d'Hassan Rohani, président du régime iranien. Les mollahs nomment leur première ambassadrice... en Malaisie.

Mais avant de commencer à écrire ces quelques lignes sur ce qui est pour des millions d'Iraniennes un non-événement, j'apprends la très triste nouvelle de la disparition d'André Glucksmann, philosophe engagé et homme de tous les combats pour les droits humains quel que soit le pays où ils sont bafoués, et quelles que soient les circonstances ou le contexte politique. Je suis d'autant plus endeuillée par sa mort qu'il soutenait avec force le combat de la Résistance iranienne contre la dictature religieuse en Iran. Depuis son lit de malade il aura soutenu la pétition dénonçant l'arrivée de Rohani, l'homme aux 2000 exécutions, dont 58 femmes, en France. Cet érudit engagé a été parmi les premiers à avoir dénoncé l'intégrisme islamiste et le terrorisme qui en découle, incarné par le fascisme religieux dont Rohani a toujours été une des figures marquantes.

La nomination de Marzieh Afkham, la porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères depuis plus de deux ans, au poste d'ambassadrice en Malaisie, est de toute évidence un acte de propagande destiné au public et aux médias occidentaux (elle a été remplacée par un homme, Hossein Jaber-Ansari). Dans une tentative évidente de nier l'aspect "com" de cette initiative à la veille du voyage de son président en Europe, Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères a tenu à préciser que le retard dans l'annonce de la désignation d'Afkham était lié au problème du choix de son successeur, un retard de quatre mois!

En tout cas, pour des millions d'Iraniennes qui souffrent depuis plus de trente ans de discriminations et des lois misogynes au quotidien, il s'agit d'un non-événement. De leur vie privée jusqu'au choix de leurs vêtements en passant par leurs études et leur vie professionnelle (pour les rares qui en ont une), elles sont toujours victimes d'une théocratie extrêmement brutale et de ses lois médiévales.

Quelques rappels simples s'imposent:

- Marzieh Afkham a besoin de l'autorisation écrite de son époux pour se rendre en
 Malaisie afin d'y travailler comme ambassadrice;
- Elle ne peut devenir ni juge ni présidente de la République;
- Son témoignage devant la justice vaut la moitié de celui d'un homme;
 - Elle ne peut pas chanter en public;
- L'accès aux stades pour assister à des compétitions sportives lui est interdit;
- Et selon un tout récent amendement, elle devra porter un uniforme déterminé par les religieux et imposé aux Iraniennes...

Dans sa fonction de porte-parole de la diplomatie des mollahs (« assistée » par une équipe exclusivement masculine) elle n'a fait que défendre avec véhémence toutes les politiques répressives du premier véritable califat islamique au Moyen-Orient qui servira de source d'inspiration à Al-Qaida ou encore à Daech, égrenant sa cruauté et ses milices dans la région (l'Irak, la Syrie, le Liban, le Yémen...).

Afkham n'a pas hésité de qualifier les rapports de l'ONU et des organisations de défense des droits humains sur les graves exactions en Iran de "propagande politique" hostiles aux "valeurs" et principes "islamiques"...

Oui, finalement, Marzieh Afkham est bien l'ambassadrice d'un système fondé sur la misogynie, qui a besoin d'un arbre pour cacher la forêt de l'enfer qu'il fait vivre aux femmes en Iran. On peut juste s'interroger sur le grand silence à cet égard dans la foison d'articles qui s'extasient devant cette nomination.