02 octobre 2005

Jeux islamiques féminins - Rezai, de Sharapova au tennis-club de Téhéran

ATS, le 28 septembre
Son fait d'armes reste ses 5 jeux "volés" à Maria Sharapova au 2e tour de Roland-Garros, mais c'est contre de modestes joueuses de club que la Française Aravane Rezai a remporté deux médailles en tennis pour l'Iran aux 4e Jeux islamiques féminins de Téhéran, ville natale de ses parents.
Mercredi à 09h00 du matin, deux monospaces déversent les tantes et cousines Rezai devant l'entrée du tennis-club Azadi. Comme chaque jour, Arsalan, le papa, reste à l'extérieur des courts protégés des regards mâles par un mur de tôle ondulée.

Il siffle quand il veut le score et sa femme sort en courant du gynécée. Parfois, quand il sent sa fille en difficulté, on l'entend hurler de l'autre côté du mur "Allez Aravane, bouge-toi!".
Assise sous un arbre avec ses coéquipières, la jeune fille engouffre une assiette de riz au poulet avant d'avaler ses trois matches de la journée: un simple et un double, pour la finale par équipes, et la finale individuelle.

176e joueuse mondiale, aux alentours du 10e rang français, professionnelle depuis 9 mois, elle n'a jamais douté de sa victoire en simple. Sans forfanterie... Son adversaire du jour, une Indonésienne, n'aurait sans doute pas mis un point gagnant contre la N.1 mondiale russe. Par équipes en revanche, elle a payé l'inexpérience de l'Iran qui s'est contenté de la 2e place.

Bonne musulmane
"En double, je joue seule. Je couvre la moitié de terrain de ma partenaire. Ca la gêne mais elle sait que c'est la seule manière d'avoir une chance de gagner", explique Aravane. Numéro 1 iranienne, sa coéquipière a 50 ans...
"Je viens jouer pour le pays, pour être une locomotive, montrer aux filles que je peux les aider à gagner une médaille et à progresser en tennis", note la joueuse, née il y a 18 ans à Saint-Etienne de parents iraniens. Parce que ce tournoi n'est pas homologué par la Fédération internationale et la WTA, elle a le droit, une semaine durant, d'adopter sa deuxième nationalité.
Persuadés de tenir la seule joueuse capable de les faire gagner, les Iraniens l'ont à nouveau pressée de venir, surtout après son match contre Sharapova, diffusé sur le câble malgré toutes les entorses au code vestimentaire islamique que peut receler un match de tennis féminin.
Aravane n'est pas une mercenaire. Elle aime l'Iran, elle en parle la langue, sa famille - parents exceptés -, vit à Téhéran, elle y vient chaque année et, tout au long de la saison de tennis, elle se comporte en bonne musulmane.

Pas de bise pour Christian Bîmes
"Je ne prie pas tous les jours, explique Aravane, mais je respecte les comportements..." "Ma fille est une bonne musulmane chiite", coupe son père-entraîneur-manageur-porte-parole. "Elle a des tenues classiques, avec des manches et elle ne fait pas la bise aux garçons. Elle serre la main. Même Christian Bîmes (président de la Fédération française de tennis, ndlr), aux championnats de France, elle ne lui a pas fait la bise."
"Ca me pose parfois des problèmes pour les remises de prix", note Aravane, "car ce sont toujours des garçons qui remettent les prix aux filles. Mais pas plus. Si je vivais ici, je n'aurais jamais pu faire cette carrière", ajoute-t-elle.
Pour Aravane, c'est une bénédiction de vivre dans un pays où le tennis féminin n'est pas classé "X". Même si ses origines sont parfois un handicap: grâce à son succès sur sa compatriote Camille Pin au premier tour de Roland-Garros en mai dernier, elle aurait pu jouer les qualifications de l'US Open. Mais ses parents, inséparables compagnons de voyage, n'ont pas obtenu de visa pour les Etats-Unis.