Bulletin bimensuel d’informations sur les droits humains en Iran
ASSOCIATION DES FEMMES IRANIENNES EN FRANCE
Augmentation alarmante des exécutions en Iran
61 femmes pendues en Iran depuis le début de 2025
une hausse de plus de 80 % par rapport à 2024
3 décembre
. Rana Faraj Oghli, 24 ans, victime de mariage forcé pendue à la prison centrale de Tabriz
. Une prisonnière accusée de crimes liés à la drogue exécutée à la prison de Vakilabad, Machhad
10 décembre, Journée mondiale des droits humains
. Elnaz Azizi exécutée le 10 décembre à la prison de Vakilabad à Machhad, condamnée à mort pour meurtre.
13 décembre
. Sediqeh Ghorbani pendue le à la prison centrale d’Oroumieh, arrêtée deux ans plus tôt pour le meurtre prémédité de sa belle-fille
. Hamideh Jabbari, 41 ans, exécutée à la prison centrale de Qom, détenue depuis environ 4 ans pour des accusations liées au meurtre de son mari
17 décembre
. Razieh Abbasi, 40 ans , exécutée à la prison de Ghezel Hessar pour le meurtre présumé de son mari
La mémoire indestructible du cimetière de Khavaran
Les familles des victimes du massacre de 1988 défient la guerre du régime contre le souvenir
CSDHI, 1er décembre 2025
Dans un puissant acte de résistance civile, les familles des victimes du massacre de 1988 transforment la répression en un message politique renouvelé de défi et de persévérance.
Le premier vendredi du mois iranien d’Azar (28 novembre 2025) a, une fois encore, porté le poids d’une cérémonie qui perdure depuis près de quatre décennies, malgré la guerre acharnée que mène le régime contre la mémoire collective. Les mères et les pères des prisonniers politiques massacrés durant l’été 1988 se sont rendus à Khavaran, ce lieu de sépulture meurtri devenu l’un des symboles les plus puissants de la résistance dans l’histoire contemporaine de l’Iran.
Ils sont venus déposer des roses rouges sur les tombes anonymes de leurs proches et proclamer, comme chaque année, un serment immuable : "Nous ne pardonnons pas et nous n’oublions pas " .
Cette année, les murs de Khavaran étaient plus hauts, renforcés autant physiquement que symboliquement. Le régime avait transformé l’entrée du cimetière en zone militarisée, bloquant l’accès et imposant des ordres mécaniques et aboyés : "Carte d’identité ! " - "Famille directe uniquement ! " - "Pas de groupe de plus de cinq ! " - " Pas de fleurs ! " - " Pas de caméras ! "
Mais, Les familles des victimes du massacre de 1988 ont montré, encore une fois, qu’aucune force ne peut déraciner une mémoire enracinée dans la justice, l’amour et la persévérance.
Tant que ces mères et ces pères resteront debout, Khavaran perdurera.
Que ce soit dans la terre, dans la conscience collective ou dans les roses rouges qui fleurissent désormais derrière ses murs, Khavaran parle plus fort que jamais.
Un Internet réservé aux fidèles : la fracture numérique imposée par le régime iranien
AFIF, 2 décembre 2025
Alors que l’accès au numérique est devenu indispensable à la vie quotidienne, le pouvoir l’a transformé en un outil de censure, de surveillance et de répression.
Au cœur de ce système se trouvent les "cartes SIM blanches" et l’"Internet blanc", qui offrent un accès non filtré et stable uniquement aux personnes proches du régime - responsables politiques, médias d’État et individus jugés loyaux. À l’inverse, la majorité de la population subit un Internet fortement filtré, lent et sujet à des coupures fréquentes.
Cette fracture numérique est délibérément politique. Elle s’appuie sur une architecture de contrôle centralisée, notamment le Réseau national d’information, qui permet au régime de surveiller, manipuler et isoler rapidement le pays du réseau mondial. Présentées comme des exemptions professionnelles, ces facilités d’accès servent en réalité de récompenses pour les fidèles et d’instruments pour maintenir un ordre numérique hiérarchisé, fondé sur la loyauté plutôt que sur les droits.
Parisa Kamali en grève de la faim à la prison de Yazd
HRANA/CSDHI, 2 et 4 décembre 2025
Parisa Kamali, 39 ans, prisonnière politique détenue à la prison centrale de Yazd, a entamé une grève de la faim le 24 novembre 2025 pour protester contre la "disparition" de son dossier judiciaire, la suspension de toute procédure et le refus de soins médicaux essentiels.
En réponse à sa protestation, les responsables de la prison ont placée à l'isolement et ont coupé tout contact avec sa famille. Elle est restée à l'isolement jusqu'au 29 novembre, puis réintégrée dans son quartier. Elle souffre d'une maladie thyroïdienne toxique et elle est actuellement en mauvaise santé.
Arrêtée le 29 avril 2024 à Ispahan et transférée à la prison de Dolatabad, puis à celle de Yazd, elle a été condamnée à une peine totale de 7 ans et 9 mois de prison, 2 ans d'exil pour "destruction de biens publics", ainsi qu'à une peine d'emprisonnement pour "outrage au Guide suprême" et "appartenance à des groupes anti-régime".
Sa famille affirme que les responsables de la prison prétendent que son dossier "n’existe pas" , entraînant un blocage complet de la procédure de libération sous bracelet électronique.
Les Voix de la résistance : des étudiants emprisonnés en Iran célèbrent la Journée de l’étudiant par défiance et appellent à la liberté
CSDHI, 5 décembre 2025
À l’occasion du 16 Azar (Journée de l’étudiant), deux étudiants emprisonnés, Amir Hossein Moradi et Ali Younesi, tous deux anciens étudiants primés, ont publié des déclarations reliant la mémoire historique de 1953 à l’actuelle révolte nationale et à la répression continue sur les campus.
Affiliés à l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), les deux étudiants brillants ont fait parvenir des messages puissants depuis leurs cellules des prisons d’Evin et de Ghezel Hessar dénonçant les exécutions massives, la répression d’État et exhortant les jeunes Iraniens à mener le combat pour la liberté.
« Au milieu de la première moitié du XXIᵉ siècle, 72 ans après la répression sanglante des étudiants de l’Université de Téhéran sous le Chah, le gouvernement-exécuteur tente lui aussi de supprimer les étudiants par divers moyens. D’Ehsan Faridi, encore en danger d’exécution, à Ahmad Baledi, poussé au désespoir, et jusqu’aux arrestations d’étudiants à Hamedan. »
« Le gouvernement-exécuteur est dans son moment historique le plus faible et, confronté à des crises économiques, sociales et environnementales, il se tourne vers l’escalade des exécutions — battant ses propres records les uns après les autres. C’est le seul domaine où, avec la coopération des trois branches et par ordre de la direction, ils doivent montrer des progrès quotidiens, de peur que l’affaiblissement de la lame de répression ne laisse rien de leur dictature. »
Khamenei publie une série de messages sur les droits des femmes et déclenche de vives réactions
Médias/AFIF, 6 décembre 2025
Lors d’une réunion le 3 décembre avec un groupe des femmes en Iran, Khamenei a déclaré que les médias iraniens ne devaient pas relayer ce qu’il présente comme des "points de vue occidentaux" sur le hijab, l’habillement des femmes ou la coopération hommes-femmes.
Ses propos interviennent alors que des députés alertent sur ce qu’ils qualifient de "montée de l’immoralité et d’un mouvement de nudité" dans le pays.
Dans le même temps, Gholam-Hossein Mohseni-Eje’i, chef du pouvoir judiciaire, en visite à Yazd, a déclaré que "tous les membres de la société sont responsables en matière de pudeur et de hijab, et bien que certaines mesures aient été prises, elles sont loin d’être suffisantes".
Après son discours, Khamenei a publié une série de messages sur X à propos des femmes. Ces déclarations ont provoqué de vives réactions, surtout de la part de militants, de la diaspora iranienne et d’organisations de défense des droits humains, qui dénoncent une forte contradiction entre ce discours et la réalité en Iran : lois coercitives, répression des femmes, absence d’égalité réelle.
Le contexte de renforcement des règles sur le hijab et des tensions persistantes autour des droits des femmes explique l’ampleur de la polémique.
"Le prix du sang": une Iranienne condamnée à mort pour le meurtre de son mari violent libérée
AFP/The Gardian, 11 et 12 décembre 2025
Mariée de force à 12 ans, Goli Kouhkan, devait être exécutée pour le meurtre en 2018 de son mari violent envers elle et leur enfant.
Goli Kouhkan était détenue depuis sept ans dans le couloir de la mort à la prison centrale de Gorgan, dans la province de Golestan dans le nord de l'Iran. C'est dans cette prison qu'elle devait être exécutée.
Selon les experts de l'ONU, qui ont précisé que cette ouvrière agricole de 25 ans a subi des violences physiques et psychologiques pendant plusieurs années.
Son exécution a finalement été annulée à la suite d'un accord d'indemnisation de plusieurs milliers d'euros avec la famille de son mari. Un "prix du sang" dénoncé par les défenseurs des droits humains.
Mai Sato, rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits humains en Iran a salué "une vie sauvée", mais a dénoncé le fait qu'en Iran les violences conjugales et mariages forcés d'enfants "ne sont pas criminalisées".
Mobilisation coordonnée dans 55 prisons iraniennes
99e semaine de la campagne "Non aux exécutions du mardi"
AFIF, 16 décembre 2025
La campagne "Non aux exécutions du mardi" a atteint sa 99e semaine consécutive, marquée par des grèves de la faim organisées par des détenus dans 55 prisons à travers l’Iran.
Cette initiative collective, menée depuis l’intérieur des établissements pénitentiaires, constitue une protestation pacifique contre la politique systématique d’exécutions pratiquée par les autorités iraniennes. Elle s’inscrit dans une démarche de défense du droit fondamental à la vie et de dénonciation des violations persistantes des droits humains dans le pays.
La continuité et l’ampleur de cette mobilisation témoignent de la gravité de la situation et appellent à une attention accrue de la communauté internationale.
Risque une exécution "imminente"
Un champion iranien condamné à mort
AFP/lefigaro.fr, 17 décembre 2025
Mohammad Javad Vafaei-Sani, 30 ans, vice-champion national de boxe, a été arrêté en 2020 pour avoir participé à des manifestations antigouvernementales en 2019. Accusé d'être membre des Moudjahidine du peuple (MEK), organisation interdite en Iran, il a été condamné à mort pour "corruption sur terre". Il risque une exécution "imminente" après le rejet de sa demande d'un nouveau procès, ont alerté mercredi des ONG et l'opposition en exil.
"Sa vie est désormais en grand danger", a réagi dans un communiqué le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI)... Son porte-parole, Shahin Ghobadi, a déclaré à l'AFP que le boxeur était "affilié" à l'organisation et que les autorités ont tenté de le contraindre à s'en détacher par un usage "intensif de la torture".
Arrestations violentes lors d’une commémoration pacifique à Machhad
Amnesty International/ Mediaş, 17 et 18 décembre 2025
Le 12 décembre 2025, plusieurs dizaines de défenseur·e·s des droits humains Iraniens ont été arrêtées arbitrairement à Machhad lors d’une commémoration du 7ème jour en l'honneur de Khosrow Alikordi l’avocat décédé dans des circonstances suspectes.
Des agent·e·s ont eu recours à la violence et à d’autres mauvais traitements lors des arrestations, notamment en passant à tabac Alieh Motalbzadeh et Narges Mohammadi, qui ont toutes deux nécessité des soins médicaux en raison des blessures liées à la torture.
Parmi les personnes arrêtées, plupart ont fait l'objet d'un ordre de détention provisoire d'un mois, tandis qu'une caution a été fixée pour quelques-unes. Les chefs d'accusation retenus contre la plupart des détenus comprennent la propagande contre le régime, l'atteinte à la sécurité nationale et le rassemblement et la collusion contre la sécurité nationale.
Plus de 20 détenus ont été transférés dans la cellule 2 de la prison de Vakilabad à Machhad. Ils sont privées d’appels téléphoniques et de visites familiales, ce qui laisse les familles sans information et accroît leurs inquiétudes.
ONU-Iran
L’Assemblée générale condamne la répression et les exécutions en Iran
AFIF, 19 décembre 2025
Le 18 décembre 2025, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté sa 72ème résolution condamnant les violations graves et persistantes des droits humains en Iran, par 78 voix pour contre 27. Le texte dénonce l’usage systématique de la peine de mort, de la torture et de procédures judiciaires arbitraires comme instruments de contrôle politique, souvent fondés sur des aveux extorqués et des procès inéquitables.
La résolution établit pour la première fois un lien explicite entre le massacre de prisonniers politiques en 1988 et l’escalade actuelle des exécutions, soulignant une continuité de l’impunité. Elle condamne l’utilisation de la peine capitale pour réprimer opposants et manifestants, son application disproportionnée contre les femmes, les minorités et les prisonniers politiques, ainsi que l’exécution de mineurs.
Au-delà des exécutions, le texte dresse un tableau de violations généralisées : torture, violences sexuelles, traitements inhumains, amputations, détentions arbitraires, disparitions forcées, refus de soins et décès suspects en détention, répression des femmes et des libertés fondamentales, y compris à l’étranger.
Selon certains rapports, plus de 2 000 exécutions auraient eu lieu en 2025, dont 60 femmes et 6 mineurs, confirmant le caractère systématique et politique de la peine de mort et l’absence de réformes réelles.