11 mai 2023

Quel avenir pour l’Iran d’après-mollahs ?

 Malgré ses prétentions, Reza Pahlavi, le fils du dernier Chah, est loin de représenter une alternative crédible.

Avec le soulèvement national qui a été déclenché par le meurtre en détention de la jeune Mahsa Jina Amini le 16 septembre 2022 à Téhéran,  le monde a pu ouvrir les yeux sur la vraie nature du régime théocratique et outrancièrement misogyne au pouvoir en Iran depuis plus de quatre décennies. La communauté internationale a enfin saisi le sens vrai du mécontentement profond et la colère refoulée du peuple iranien envers ce règne moyenâgeux liberticide qui répand la violence, répond à toute contestation par la répression et plonge jour après jour le pays dans une pauvreté généralisée, dans la misère noire.

Alors que la population révoltée de l’Iran, avec les femmes et les jeunes à sa tête, sort dans les rues, manifeste au péril de sa vie dans des centaines de villes, rejette la dictature religieuse, toutes factions confondues, fait trembler les piliers du pouvoir islamiste et montre sa détermination, comme jamais auparavant, pour le changement du régime, les organes de répression ont tué plus de 700 manifestants, arrêté et emprisonné près de 30.000 et exécuté quatre jeunes hommes en lien avec les manifestations.

Estimée à plus de 8 millions, la diaspora iranienne éparpillée pour la plupart en Europe, aux Etats-Unis et au Canada, enflammée par ces évènements, s’active en organisant des actions et manifestations impressionnantes dans les grandes villes occidentales, pour faire entendre la voix de leurs compatriotes en révolte à l’étranger.

Tandis que les protestations se poursuivaient en Iran depuis l'automne 2022 et le souhait des Iraniens de renverser la dictature pour la remplacer par un régime démocratique et laïque s’exprimait à haute voix par des slogans scandés du Kurdistan à Baloutchistan en passant par la capitale, Téhéran, certains éléments politiques vivant depuis des décennies en dehors de l'Iran ont repris à leur compte un refrain maintes fois repris par les mollahs de Téhéran, à savoir leur " inquiétude " au sujet du maintien de "l’intégrité territoriale" du pays, menacée à leurs yeux, par "des séparatistes" à la solde des puissances étrangères. Il s’agit surtout des partisans de Reza Pahlavi, le fils du Chah déchu en 1979 qui accusent les différentes ethnies, kurde, baloutche, arabe, azéri, de séparatisme affirmant que la désignation du Corps des gardiens de la révolution comme entité terroriste, notamment par l’Union européenne, voulue par les vrais opposants ou la dissolution de celui-ci voulue clairement par la population conduira à la désintégration de l'Iran. Ils rêvent réinstaurer le règne de la dynastie Pahlavi ; alors que les slogans phares du soulèvement "Mort à la dictature" et " A bas le tyran, que ce soit le chah ou le mollah",  sont de plus en plus scandés en Iran.

"Ni chah, ni mollah"

Il faut rappeler que les séquelles du règne brutal de Mohammad-Reza Pahlavi ne sont toujours pas effacées. Les crimes de sa tristement célèbre police politique, la SAVAK, ont laissé des traces profondes chez de nombreux Iraniens. Les liens étroits notoirement connus du Chah avec les religieux, l’élimination des opposants à la dictature monarchique et à ses exactions, s’appropriation de la richesse du pays et l’imposition d’un parti unique au peuple,… sont loin d’être oubliés.

Reza Pahlavi qui en 1980 s’est proclamé officiellement le Chah d'Iran et a prêté serment devant la tombe de son père au Caire jurant de poursuivre ses objectifs, se positionne en "candidat légitime" pour accéder au pouvoir après la chute du régime théocratique grâce à une campagne de propagande orchestrée par plusieurs chaînes de télévision de langue persane diffusant depuis Londres, Washington ou encore Los Angeles et alors qu’à l’intérieur du pays mise à part une minorité nostalgique de l’époque Pahlavi, les nouvelles générations sont en quête de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit uniquement réalisable dans le cadre d’une république laïque.

Or, Reza Pahlavi qui prétend vouloir jouer un rôle prépondérant en Iran d’après-mollahs, n’a toujours pas reconnu les crimes commis sous le règne de son père. Il refuse de rendre des comptes de manière transparente sur ses biens acquis grâce à des malversations financières de son père et de son grand père. Reza Pahlavi n’a pas réussi, depuis quatre décennies qu’il a vécu notamment aux Etats-Unis, à fonder un mouvement sérieux de résistance contre le régime Khomeiny-Khamenei.

Comment Reza Pahlavi peut-il renverser cette théocratie barbare et ses Gardiens de la révolution qu’il entend "charger du maintien de l’ordre pendant la période de transition"( !) sans une structure organisée et efficace ni un projet politique digne de ce nom, ni même un socle solide de fidèles unis?

Comment va-t-il répondre aux aspirations démocratiques et revendications socio-économiques des Iraniens qui ont subi 44 ans de tyrannie, de répression, de privations et de la misère? Enfin, qui va le prendre au sérieux? Parce qu’il est le fils d’un père couronné ? Certainement pas les femmes et la jeunesse iranienne qui tel un feu sous le brasier, s’enflammeront à nouveau dans un avenir proche.

Simin Nouri

https://blogs.mediapart.fr/simine-nouri/blog/100523/quel-avenir-pour-l-iran-d-apres-mollahs?fbclid=IwAR3LStABtQ9BLClPumfOKqhkhotV37FU1cLSsSAyLbX63MtadT-GMcOs-l4