24 janvier 2019

Iran : 30 ans de secrets d’Etat gorgés de sang


"Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire
Albert Einstein

Amnesty International a publié le 4 décembre 2018 un rapport accablant intitulé "Iran : Secrets gorgés de sang…" sur la campagne de désinformation menée pendant 30 ans par les autorités iraniennes sur le massacre en prison des dissidents en 1988 : 
«Entre juillet et septembre 1988, les autorités iraniennes ont fait disparaître de force et exécuté de manière extrajudiciaire des milliers de dissidents politiques emprisonnés en secret et ont jeté leurs corps, la plupart dans des fosses communes non identifiées. Depuis lors, les autorités ont traité les meurtres comme des secrets d'Etat, tourmentant les proches en refusant de leur dire comment et pourquoi leurs proches ont été tués et où ils sont enterrés. Aucun fonctionnaire n'a été traduit en justice et, dans certains cas, les personnes impliquées occupent ou ont occupé des postes de pouvoir en Iran.»
https://www.amnesty.org/download/Documents/MDE1394212018ENGLISH.PDF

Le contexte historico-politique des années 80, la composition des principaux opposants au régime, les témoignages et les preuves, la fameuse fatwa de Khomeiny ordonnant le massacre des prisonniers politiques, les "commissions de la mort", les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les dissimulations des corps, les souffrances des familles,… ont été détaillés dans ce rapport inédit et attendu de 200 pages. 

Trois décennies étant passées depuis ces tueries de masse qualifiées de "crime contre l’humanité", les familles des victimes sont plus que jamais à la quête de vérité et de justice concernant le sort de leurs bien-aimés. Elles sont révoltées par l’impunité des commanditaires et exécutants de ce massacre des prisonniers politiques sans précédent depuis la deuxième guerre mondiale.

Amnesty international considère que l'impunité pour ces crimes s'est enracinée dans le cadre institutionnel du pays. Les anciens et actuels responsables dissimulent ou nient les meurtres. Les autorités continuent à réprimer depuis des décennies les libertés de croyance, d'expression, d'association et de manifestation pacifique. De procès inéquitables aux actes de torture à grande échelle, les autorités exécutent des centaines de personnes chaque année et gardent des milliers d'autres dans le couloir de la mort…Ainsi "les crimes contre l’humanité sont en cours" en Iran.

La vérité déformée


A la suite du dit rapport, Amnesty International a diffusé le 11 décembre 2018 une interview filmée du 13 décembre 1988, dans laquelle Mir Hossein Moussavi, le premier ministre de l’époque, nie que son gouvernement était au courant des exécutions massives entre fin juillet et début septembre 1988. Il tente de déformer la réalité de son rôle dans la campagne menée par les autorités pour étouffer le fait d’avoir assassiné des milliers de prisonniers politiques sans défense dans leurs geôles.
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/12/iran-top-government-officials-distorted-the-truth-about-1988-prison-massacres/
"En continuant de considérer les massacres comme des secrets d’État, Mir Hossein Moussavi se range aux côtés de ceux qui ont du sang sur les mains. Il doit, tout comme les autres représentants de l’État qui cachent et déforment la vérité, répondre aux demandes des familles en souffrance qui réclament vérité et justice, et dévoiler publiquement toutes les informations dont ils disposent au sujet des exécutions de prisonniers et du sort qui a été réservé aux victimes", a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty.

Pris en tenaille entre une crise politico-économique profonde, et une révolte populaire continuelle, Ali Khamenei, le "guide suprême ", et Hassan Rohani, son chef d’exécutif ne voient d’autres solutions que d’intensifier la répression face à la colère populaire et multiplier les aventures guerrières et terroristes à l’extérieur des frontières de l’Iran.

Des centaines de manifestants, d’enseignants, de syndicalistes, de travailleurs, de journalistes, de défenseurs des droits des femmes, des minorités religieuses et ethniques, d'avocats, d’étudiants, de militants écologistes font l'objet de harcèlement, d'interrogatoires, d'arrestations, de détentions arbitraires et de poursuites judiciaires. Nombreux sont ceux qui dépérissent dans les geôles du régime islamiste.

Aujourd'hui, 30 ans après, parmi les responsables iraniens qui ont participé à ce massacre, certains le nient, d’autres le cachent, il y a en a même qui se déclarent en être fiers.

Ainsi et parce qu’il n’y a aucun moyen pour les victimes et les familles des suppliciés d'accéder à la justice, et à la vérité à l’intérieur du pays, il est nécessaire d’activer les mécanismes internationaux de lutte contre l'impunité.

Le rapport d’Amnesty International demande à l'ONU "d'ouvrir une enquête indépendante pour aider à traduire en justice les responsables de ces crimes odieux". 

En attendant, la République islamique vient d’être condamnée pour la 65ème fois par l’Assemblée générale des Nations Unies pour les violations des droits de l’Homme.
La résolution adoptée 18 décembre 2018 a exprimé sa profonde inquiétude devant le nombre élevé d'exécutions, en particulier de mineurs, d'arrestations arbitraires et systématiques et de conditions de détention dans les prisons iraniennes et le fait de priver délibérément les prisonniers d'accès à un traitement médical adéquat et les morts suspectes en détention.


ASSOCIATION DES FEMMES IRANIENNES EN FRANCE